Quand la communication est très vulnérable : améliorer la communication pour améliorer les soins en soins intensifs et en service d’urgence.
John Costello est Director de « l’Augmentative Communication Program” du “Children’s Hospital” de Boston (USA). De plus, il est instructeur clinique à l’Université de Boston, à l’Emerson College, à l’Institut des professions de la santé de l’hôpital de Montréal ainsi qu’à l’Université de Northeastern. C’est un pionnier de la Communication Alternative Améliorée (CAA) dans les milieux médicaux. Il est à la fois chercheur, enseignant, et orthophoniste spécialisé dans les techniques de CAA. Il utilise quotidiennement son expérience pour améliorer la qualité des soins aux enfants et adultes vulnérables lors de séjours ou de contacts dans les milieux médicaux. Il est un des leaders-et un généreux bénévole-depuis plusieurs décennies d’ISAAC International.
Cette conférence a duré deux heures trente, elle a été traduite par une ergothérapeute de la M.A.S (Maison d’Accueil Spécialisée) de Neuilly. L’auditoire était constitué d’un membre du personnel Réseau Nouvelle Technologies (RNT), de professionnels paramédicaux (orthophonistes, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, infirmières) et d’une personne utilisatrice de CAA.
« Cela fait 4-5 ans que je parle de ce sujet, je pratique dans ce domaine depuis bien plus longtemps. Là je suis de retour d’une formation en Israël. Je suis orthophoniste à Boston, j’étais là bas depuis vingt-sept ans et actuellement je suis directeur de communication INTERNET. Je vais dans un premier temps vous donner les informations sur la façon dont ce sujet a évolué. Moi, en tant qu’orthophoniste, j’ai toujours travaillé sur des patients externes en hôpital. Le département où je travaille est très occupé et je suis trois ou quatre évaluations par semaine.
En 1989, un enfant est venu en consultation avec une trachéotomie ; il ne pouvait pas parler. Il utilisait un synthétiseur vocal lors de sa consultation. Le médecin a dit « OUAH qu’est ce que c’est ? » Il a pensé que beaucoup de ses patients pourraient en bénéficier, que ça leur permettrait de parler. Il m’a donc appelé et demandé : « Si jamais on avait un patient qui avait besoin d’un moyen de communication pourriez-vous venir nous aider ? » Mon agenda est surchargé, mais j’ai volontiers accepté. Quatre jours après je reçois un coup de fil du service des soins intensifs qui me demande si je pourrais venir voir une patiente qui avait une trachéotomie et une tumeur dans la bouche. C’était facile aussi de voir qu’il pouvait y avoir des outils de communication adaptés. J’ai fait des tableaux d’images pour elle, j’ai montré aux infirmières comment s’en servir. J’ai également utilisé une synthèse vocale à numériser, pour enregistrer la voix. Les infirmières l’ont utilisée et se sont exclamées : « OUAH avec ça la communication est beaucoup plus facile !» Quelques jours après, on m’appelle : « Une autre personne est comme la précédente que vous avez vue, pourriez-vous venir ? » Au fil du temps j’ai eu beaucoup de demandes. J’ai été appelé pour une patiente qui avait eu une chirurgie bucco-faciale, pour une transplantation d’organe, peut être une ablation de tumeur. J’ai réalisé que toutes ces personnes étaient admises en urgence. Je suis donc allé voir les médecins responsables des urgences.
Je leur ai demandé si je pourrais les former à ce nouveau système de communication, avant que leurs patients ne puissent plus parler. Ils ont enregistré, créé des bandes-son avec la voix de ces derniers : c’était donc leur propre voix qui était dans la machine et allait être restituée lorsqu’ils ne pourraient plus parler. Je fais cela depuis vingt ans, on a maintenant une orthophoniste qui travaille exclusivement dans le service des réanimation- soins intensifs. De nombreux patients m’en ont parlé positivement, ils ont constaté qu’ils avaient de meilleurs soins avec l’utilisation d’un appareil CAA. Il y a presque cinq ans la « Joint fondation », qui est une commission des ressources mettant en commun des principes de soins dans les hôpitaux m’a contacté et m’a demandé de réécrire leur standard pour la communication à l’hôpital. Parce qu’ils ont toujours dans l’idée de faire quelque chose pour la communication, mais n’avaient jamais décrit ce qu’il fallait faire. De nombreuses personnes ont travaillé pour réaliser cet objectif aux Etats-Unis. Depuis le 1er juillet 2008 il y a des principes standard de « communication à l’hôpital » afin d’assurer de meilleurs soins.
Nous allons donc voir à présent pourquoi la communication doit être améliorée dans les centres de soins intensifs. Nous utilisons actuellement beaucoup d’appareils faisant appel à de la nouvelle technologie.
Quand la « joint-commission » nous a demandé de travailler sur ces questions nous avons développé ce terme de « vulnérabilité de la communication » ; qu’est ce qu’est la vulnérabilité de la communication en général ? Ce sont les incapacités de voir, d’entendre, de comprendre la langue qui est parlée, les difficultés à s’exprimer clairement, On est en train de voir pour mettre tout ça sous le parapluie de la « vulnérabilité de communication. Je voulais montrer aux docteurs et infirmières de soins intensifs pourquoi dans ces lieux il y avait tant des patients qui pouvaient être vulnérables à la communication. C’est un sujet qui est très important pour beaucoup d’organisations. J’ai fait des recherches sur la communication entre docteurs et patients, et les études ne parlent que de la manière dont parlent les médecins, les infirmières, au patient. Par contre il y a presque rien sur la façon dont parle le patient aux docteurs et aux infirmières. Les guides, dépliants montrent bien désormais comment il faut agir en hôpital avec une personne « vulnérable de la communication ». Il y a un excellent site Web où on peut trouver des articles, des résumés de recherche qui est basé sur un travail de personnes du monde entier.
Passage d’une vidéo : Andrew est une personne de 22 ans admise à l’hôpital pour problèmes respiratoires. Il a eu besoin d’être intubé donc les médecins lui ont fait une trachéotomie mais il pourrait ensuite reparler. Avant l’opération il a appris à utiliser la machine. Lorsqu’il était trachéotomisé il utilisait cet appareil avec système de balayage facilement. Il pouvait me dire ce qu’il ressentait physiquement. Il a dit une chose très importante au chirurgien : « Je sens que mes poumons ne sont pas découverts ». C’est une chose primordiale à savoir pour celui-ci. Cette vidéo ne veut pas dire que cet apport d’une meilleure communication à l’hôpital va sauver la vie du patient mais qu’il pourra avoir un meilleur soin. Lorsque le docteur arrive il peut lui dire « bonjour », donc à ce moment le docteur commence à discuter « vos radios semblent claires, et si vous ne m’aviez pas dit comment vous vous sentiez je ne l’aurais jamais su ». A ce moment là il lui donne d’autres informations. C’est une équipe extraordinaire, demandant aux patients le maximum d’informations Les patients ont besoin de pouvoir poser des questions : savoir pourquoi ils sont en centre de soins intensifs ? Ils veulent également pouvoir donner des informations sur leur ressenti. Autre exemple de l’intérêt de cette « Joint commission » : une personne hospitalisée a pu dire au personnel qu’elle était allergique à une alimentation. Une étude canadienne a été faite sur « les effets secondaires et vitaux ». Elle a conclu que la résolution des difficultés de communication était le premier facteur bénéfique pour améliorer « les effets secondaires et vitaux » à l’hôpital. Mais il n’y a pas pour les hôpitaux de principes standards à respecter obligatoirement, ils n’ont donc pas à suivre les règles préconisées de la « Joint commission » pour la formation du personnel aux systèmes CAA et à leur utilisation. Il n’y a pas vraiment de données scientifiques pour voir l’impact de la communication. On a beaucoup de témoignages, récits de patients nous disant que la communication leur donne du confort. Les personnes sont moins frustrées. Pour des gens qui travaillent avec des enfants, c’est très important de savoir comment l’enfant ressent sa maladie, la douleur, aux différents âges de développement : « Qu’est ce qui ne va pas, où est ce que ça ne va pas » ? Les soignants peuvent modifier la perception de la douleur. Les enfants ont vraiment besoin de ressentir l’amour des personnes les entourant. Le vocabulaire de ces jeunes enfants ne va pas seulement être celui de leurs besoins immédiats, mais il est aussi celui pour entrer en connexion, en lien, avec les personnes qu’ils aiment. De plus, ils ont besoin de beaucoup de vocabulaire pour dire ce qui ne va pas. Ils ont envie de comprendre, de poser des questions. Vous vous réveillez à l’hôpital, rempli d’incertitude, vous avez besoin d’exprimer vos pensées, beaucoup d’angoisse, de détresse parce que vous n’êtes pas compris : La CAA y devient donc indispensable car une chose qui apparaît partout c’est que ces personnes disent qu’à l’hôpital elles n’ont pas le contrôle, elles se sentent dépersonnalisées. Ce sont les deux thèmes qui reviennent le plus fréquemment.
Autre vidéo : celle d’une personne admise en soins intensifs pour ses membres. En outre elle ne pouvait pas parler. On lui a installé une évaluation au pied de son lit et on y a introduit un outil de communication. Il avait un appareil avec des messages préenregistrés, l’un d’entre eux était « MERCI » et dans cette vidéo il le dit au médecin car la machine lui permettait de communiquer avec les gens qui venaient le voir, qu’ils se rendent compte qu’il était bien présent. Pour lui il y avait une différence entre être traité comme une personne et une chose du fait de pouvoir s’exprimer. La mère a beaucoup parlé de la qualité de vie dans ce centre, car son fils pouvait avoir des propos avec un appareil « step by step » c'est-à-dire pas seulement avec des messages tout préparés. Il avait la possibilité de discuter. Des parents disent « à travers cette voix, je l’entends lui ». Ce n’est pas seulement un besoin physique, c’est aussi une dimension émotionnelle. Nous voyons également un enfant qui a eu une transplantation cardiaque. Sa mère nous dit qu’elle se sent mieux, car avec le système de CAA que nous lui avons installé il va pouvoir nous dire ce qu’il ressent, ce qu’il aimerait faire. L’importance de disposer de cet appareil est aussi grande pour les deux.
Il faudra avec la CAA faire du « step by step » (étape par étape). Il faudra tout d’abord débuter par les phrases toutes prêtes pour espérer ensuite avoir une autonomie en écrivant ses propres messages. Lorsqu’on se réveille en soins intensifs, on peut être content d’avoir des phrases toutes prêtes. Etape 1 : réveil de la sédation. Etape 2 : pour les plus éveillés la phase de communication peut s’agrandir. Etape 3 : on appelle ça les plus éveillés, mais ce sont aussi les plus habiles à qui on peut proposer des services plus complexes, car ils sont moins sous l’influence des médicaments et de la sédation. Nous avons appris après des investigations que dans la phase 1, il y avait tout un stock de messages que le patient allait répéter, répéter, répéter donc dans la phase 1 : OUI/ NON. Dans la phase 2 on rajoute : je ne sais pas, je ne suis pas sûr. Dans la phase 3 il fera de longues phrases.
Dans de nombreux hôpitaux la sonnette n’est pas accessible, il faut les rendre accessibles !Il faut tout autant avoir accès à une simple machine à messages pour parler à la famille « je vous aime » ou pouvoir dire ce qu’il faut aux infirmières.
Les tableaux de lettres sont une possibilité, mais généralement on préfère les claviers . Ils peuvent être sous différentes configurations (AZERTY, QUERTY, ABCD, phonétiques, pictogrammes) . Le choix se fait selon l’utilisateur. Il peut arriver que le son soit faible, d’ou le besoin d’un amplificateur de son.
Pour les tableaux à pictogrammes, il existe déjà un dictionnaire de dessins pour les hôpitaux (pour la France). Cependant en France, dans les services d’urgences, on s’adresse beaucoup plus à l’accompagnant qu’à la personne DEC. Sur le site espagnol d’ ARASAAC, il existe un livret de « communication à l’hôpital » téléchargeable. Aux Etats-Unis, dans chaque unité hospitalière il existe des tableaux de bases ayant trois livrets : besoins médicaux, besoins personnels, besoins personnels et réflexion sur soi.
Il est important que l’hôpital sache et connaisse ces appareils de CAA pour une meilleure qualité des soins, engendrant une meilleure qualité d’hospitalisation. »